L’île des Bienheureux (11)

Une nouvelle fois, le pauvre garçon fut soulevé et transporté par ces drôles de personnages. Courant au son de leurs multiples grelots, ils l’emportèrent dans de longs couloirs dont il ne voyait que les plafonds. Puis ils le déposèrent dans une petite salle qui n’avait pour seul mobilier qu’une table sur laquelle étaient posées de petites pierres rondes de tailles et de couleurs différentes. Avant de se retirer, les nains saisirent son bras et s’emparèrent de sa montre. Un homme très gros, très rond, était penché au-dessus de lui. Il riait :

– Eh bien ! Mon garçon, te voilà puni…
– Je vous en prie, supplia Tim, dites-moi ce qui va m’arriver !
– Je n’en ai pas le droit. La seule chose que je peux te révéler, c’est ce qui va se passer maintenant : tu dois avaler une de ces pierres.
– Avaler une pierre ?
– Eh oui ! Mais dis-moi, mon garçon, quel âge as-tu ?
– Onze ans !

L’homme saisit le carnet rouge qu’il portait à la ceinture, tira de sa poche un énorme et ridicule crayon vert et se mit à écrire. Lorsqu’il eut fini, il promena un œil gourmand sur le jeune garçon en lui demandant :

– Combien pèses-tu ?
– Pourquoi me demandez-vous ça ?
– J’ai besoin de le savoir pour choisir la pierre, c’est tout ! Alors ?
– Vingt-neuf kilos, je crois…
– Tu n’es pas bien gros. Bon, maintenant, je vais te mesurer. Va t’appuyer contre ce mur.

Tim se dirigea vers l’endroit qu’on lui indiquait. Il se mit à observer le triangle jaune qu’il connaissait bien pour en avoir déjà vu maintes fois un semblable à la visite médicale de son école. Il s’installa contre le mur et attendit que l’homme vint le mesurer. Mais contrairement à ce qu’il croyait, l’autre ne bougea pas. Au lieu de ça, il pressa un bouton au coin de la table. Tim entendit un léger bruit et le triangle vint se poser au-dessus de sa tête, tandis que quelque chose s’allumait un peu plus haut.

– Cent trente-cinq, annonça l’affreux personnage. Bon, maintenant le test…

Il se leva et se dirigea vers un placard d’où il sortit une grosse boule blanche. Muni de ce curieux objet, il revint vers Tim :

– N’aie pas peur, je dois finir mes mesures avec ce détecteur d’anomalies.
– Qu’est-ce que c’est, ce machin ?
– Je te l’ai dit, s’impatienta l’inconnu. Ne t’inquiète pas ! Ce n’est pas dangereux. Mets ta tête contre la boule et laisse-toi aller.

Guère rassuré, Tim s’exécuta malgré tout. Il approcha son visage de l’étrange objet. Curieusement, il eut l’impression de pénétrer dans du coton. Très vite, la sphère se mit à rayonner doucement, pendant que sa matière floconneuse semblait se modifier pour devenir liquide. Au bout d’un moment, la boule épousait parfaitement les contours de son visage. L’homme lui demanda alors de respirer profondément, ce qu’il fit. À cet instant, il eut la curieuse impression que le détecteur d’anomalies pénétrait dans ses yeux pour envahir son crâne. Tout devint blanc, le temps d’un éclair. Lorsque enfin cessa l’étrange phénomène, il vit, penché au-dessus de lui, l’horrible personnage qui susurrait :

– Voilà, c’est terminé ! Tu vois, ce n’était pas si terrible. Maintenant, je sais quelle pierre il te faut… 

Et, d’un geste, l’homme attrapa un petit galet vert qu’il tendit au jeune garçon :

– Allons, maintenant, il faut manger…
– Mais que va-t-il m’arriver ?
– Ne me pose pas de questions inutiles, je te l’ai dit !

Rouge de colère, l’inconnu le fixait avec tant d’insistance que Tim, sans hésiter davantage, avala la pierre.

En l’espace de quelques secondes, le jeune garçon se mit à rapetisser jusqu’à ne plus être qu’une petite figurine que l’autre saisit dans sa main. Il se retrouva bientôt dans le bureau de Kronos :

– Eh bien ! Lithos, je vois que vous avez fait diligence. C’est parfait ! Donnez-le-moi.

Aussitôt, Tim fut déposé dans la main du maître d’Heure qui le contempla un bref instant d’un œil sévère avant de le porter à sa bouche et de l’avaler. Le pauvre garçon, gêné par sa petite taille, ne put rien faire. Très vite, il arriva dans l’estomac de Kronos. Terrifié, il regarda autour de lui : ce qu’il découvrit alors était si incroyable qu’il s’évanouit…

À suivre…

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