Le cerf se voyant dans l’eau

Dans cette rubrique que je consacre aux fables, je n’ai que l’embarras du choix, tant ces mises en scène animalières sont nombreuses et variées. Il faut croire que les êtres humains préfèrent critiquer leurs travers par le biais de comparaisons anthropomorphiques qui les servent et ne leur font pas tort. Cette façon de gérer ses défauts en les faisant assumer par d’autres est vraiment une caractéristique humaine. Quant à savoir pourquoi on affuble ainsi tel ou tel animal de défauts propres à l’homme, il faut simplement comprendre que, pour beaucoup, ces êtres vivants différents de nous ne sont que des « bêtes » et, à ce titre, n’ont vraiment rien à nous envier… Heureusement, les fables sont tout de même plutôt ironiques et nous remettent à notre juste place au sein du règne « animal » !

cerf d'oudry

“Dans le cristal d’une fontaine
Un cerf se mirant autrefois
Louait la beauté de son bois,
Et ne pouvait qu’avecque peine
Souffrir ses jambes de fuseaux,
Dont il voyait l’objet se perdre dans les eaux.
Quelle proportion de mes pieds à ma tête !
Disait-il en voyant leur ombre avec douleur :
Des taillis les plus hauts mon front atteint le faîte ;
Mes pieds ne me font point d’honneur.”

Pauvre cerf qui s’extasie sur ses bois, mais oublie l’utilité de ses pattes longilignes. Paradoxe propre aux hommes et non aux cerfs… Le propos est clair et La Fontaine sait bien le faire comprendre. La suite de la fable, prenons-la chez Esope :

cerf lambert

“Pendant qu’il se contemplait et qu’il raisonnait en lui-même, un chasseur survint tout à coup, accompagné de chiens, en sonnant du cor. Ce bruit obligea le cerf à prendre promptement la fuite.”

La  fin  de  l’histoire, je  la  laisse  à  Phèdre, autre fabuliste dont je vous ai déjà parlé ici :

“Alors il se jette à travers la forêt ; mais, arrêté par ses cornes qui s’embarrassent dans le taillis, il est déchiré par la dent cruelle des chiens. On dit qu’en expirant il prononça ces mots : « Malheureux que je suis ! Je comprends maintenant l’utilité de ce que je méprisais, et combien ce que j’admirais m’a été funeste. »”

cerf doré

C’est ainsi que l’apparence dont nous sommes si soucieux nous masque parfois les qualités qui nous rendent précieux aux yeux de nos congénères. Bien sûr, l’image du cerf et de la majesté de ses bois est plus parlante que les vêtements de marques, coiffures, piercing et autres signes que nous arborons pour nous distinguer… Peut-être cependant faut-il chercher de nouvelles fables pour nous décrire, non ?

Merci à la bibliothèque d’Auch pour les photos de ses fonds patrimoniaux.

NOTES

4 réflexions sur “Le cerf se voyant dans l’eau

    • Faites-vous allusion aux arbres qui l’entourent ? Ils sont particulièrement beaux dans l’illustration de Gustave Doré…

  1. J’adore ces gravures. J’en ai encore bien d’autres à faire découvrir…

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